Le premier réflexe à avoir est de lire les contrats concernés pour voir s’ils contiennent une clause de force majeure. Des clauses contractuelles peuvent par exemple exclure les décisions de pouvoirs publics ou les crises sanitaires comme cas de force majeure.
Plus fréquemment, de telles clauses sont rédigées par simple référence à la notion de force majeure telle que définie par les tribunaux ou par le nouvel article 1218 du code civil, sans viser de cas spécifique.
En effet, en droit français, selon cet article 1218 du code civil, « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
En application de ce texte, pour qu’une épidémie soit considérée comme un cas de force majeure, il faut donc que celle-ci réponde à la définition dudit article 1218, c’est-à-dire, schématiquement, qu’elle réunisse trois éléments : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité.
Jusqu’à présent, la jurisprudence a plutôt refusé de considérer les crises sanitaires comme constitutives d’événements de force majeure : qu’il s’agisse du virus la dengue (Nancy, 22 nov. 2010, n° 09/00003), de l’épidémie de grippe H1N1 (Besançon, 8 janv. 2014, n° 12/02291), ou encore celui du chikungunya (Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739).
Plus récemment, le 7 février 2020, la Cour d’Appel de Paris (RG 18/03616) vient de refuser la qualification de cas de force majeure à un virus informatique.
La question est donc délicate et la réponse n’est pas aussi évidente qu’elle puisse paraitre.
La crise est totalement inédite. Il est donc difficile d’anticiper ce que pourrait être la décision des tribunaux.
Ici, selon nous, il nous semble que le COVID 19 est différent des crises sanitaires mentionnées ci-dessus car il s’agit d’un virus nouveau, dont la propagation est extrêmement rapide, pour lequel le taux de mortalité est très élevé et contre lequel il n’existe pas de vaccin à ce jour.
La spécificité supplémentaire de ce virus réside dans le fait que sa contagion est mondiale : le virus se propage dans plus de 160 pays dont la plupart ont dû prendre des mesures exceptionnelles tant au niveau national (couvre-feu, mesures de confinement, soutien économique sans précédent, suspension de délais de procédure, etc.) que international (fermeture des frontières).
En définitive, le COVID 19 nous semble donc bien revêtir les trois éléments caractéristiques de la force majeure: l’imprévisibilité (la pandémie est du « jamais vu » et ne pouvait être prévue lors de la conclusion du contrat), l’irrésistibilité (le cocontractant ne peut éviter les effets de cet événement par des mesures appropriées) et l’extériorité (les parties au contrat ne sont pas à l’origine de la pandémie).
Mais, encore faut-il que cette force majeure rende impossible l’exécution d’un contrat.
Dans l’affaire R 15/04263 ayant donné lieu à un arrêt du 17 mars 2016, la cour d’appel de Paris a relevé que même à considérer que le virus EBOLA soit considéré comme un cas de force majeure ( ce qui n’était pas formellement établie), il ne permettait pas de justifier la baisse de trésorerie du débiteur qui ne pouvait s’exonérer de ses obligations contractuelles en paiement.
Il incombera donc à celui qui veut s’en prévaloir de rapporter la preuve de cette force majeure et que celle-ci rend impossible l’exécution de ses obligations contractuelles. En effet, le cocontractant doit démontrer qu’il n’a pu éviter les effets de l’événement par des mesures appropriées lors de l’exécution du contrat et l’événement doit représenter un obstacle insurmontable pour exécuter l’engagement souscrit.
Avant toute décision, relisez donc bien vos contrats !
La conséquence d’une qualification de force majeure ?
Toujours selon le même article 1218 du code civil, « Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ».
Là encore, au cas par cas, en fonction de la durée du confinement et des termes du contrat, il conviendra de déterminer si le contrat doit être suspendu ou résolu. La plupart du temps, le contrat sera seulement suspendu pendant le temps que dure cet empêchement.
Si le retard rend caduque la prestation sollicitée ou si l’évènement de force majeure perdure trop longtemps et rend suffisamment grave le retard qu’il induit, la résolution du contrat sera de plein droit.Là encore, il sera recommandé de mettre en œuvre la clause contractuelle « proprement », soit conformément à ses termes